Orthorexie, bigorexie et dysmorphophobie

Un article que je veux écrire depuis longtemps

Mais je ne trouvais pas les mots. Pas les mots pour arriver à vous transmettre mon ressenti correctement, sans blesser, mais sans mentir.
Je suis beaucoup sur les réseaux sociaux et évidemment je suis dans le domaine, entre autres, de la nutrition et du sport.
Et je suis fatiguée. Fatiguée de voir à quel point les gens se prennent le chou sur l’alimentation. Je parle bien sûr des personnes qui y font attention, des personnes qui sont centrées sur le sujet.
Peser ses mots, c’est bien. Peser ses aliments, quand on est pas en compétition (je parle des compet de muscu, auxquelles je ne touche absolument pas, ni dans mes clients, je devrais dire patients*, ni dans ma vie en général), je ne sais pas.

Oui, je suis pour manger sain, respectueux pour l’environnement et les animaux, manger bio, manger entier, non industriel, équilibré, pour prendre soin de soi, de la nature, des autres. Pour se respecter.

Non, je ne suis pas pour se pourrir la vie avec .

La nourriture c’est fait pour se nourrir, corps et esprit. Il y a une notion évidente de plaisir, qui ne doit pas être confondue à l’excès avec la notion de récompense. Et c’est précisément sur cette notion de récompense que naissent les troubles du comportement alimentaire (et les addictions en général).
Boire un verre de vin de temps en temps, faire la fête avec ses amis, partager un bon repas, tout ça c’est des notions de récompense. Lorsque ça rentre dans un cercle d’excès, de frustrations et de punition, ça devient malsain pour soi. Et cela peut vite glisser sur une pente destructrice.
Je ne saurais tout dire sans partir dans tous les sens donc je vais rester sur des choses simples, des observations que j’ai pu faire, et mon experience.
J’ai eu des TCA (trouble du comportement alimentaire). Je sais à quel point c’est destructeur. Et lorsque je vois des personnes, par exemple sur instagram, surveiller au gramme près leurs assiettes, aller  » se défoncer  » à la salle après un repas riche, ça me fait mal. Pour moi, quand on parle de se « défoncer », c’est une connotation légèrement différente du dépassement, c’est une punition.
Bien sûr, chacun est libre de faire ce qu’il veut, mais j’y vois une souffrance, une addiction, une peur, une punition infligée.
La vie est courte, les plaisirs sont importants, pourquoi tracker à ce point chaque gramme ingurgité?
Il n’y a pas que le monde de la musculation, mais également celui de la danse, surtout classique, des autres sports, de la mode (le plus évident…)

L’apparence

Le regard sur soi, le regard des autres.
L’anorexie dans la mode, dans l’adolescence, dans la danse classique, et souvent la bigorexie en musculation: jamais assez musclé, assez sec, assez dessiné.
Les prises de masses et sèches s’enchaînent, et je m’inquiète. Je ne souhaite pas dresser de procès contre ce milieu, ce n’est pas le but de cet article, mais je voudrais simplement vous transmettre mon inquiétude et surtout vous faire comprendre que le plaisir est important.
Le plaisir simple, de partager un repas, de cuisiner, de se faire plaisir. Sans combler de vide à tout prix, sans non plus manger pour manger.

Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger, on l’entend dans L’avare de Molière, par exemple.
Oui et non. Je veux dire par là qu’une obsession de la bouffe peut être aussi à l’envers. Vivre pour se priver.
Crever la dalle pour sentir ce vide à l’intérieur. La satisfaction de s’être privé toute une journée et de voir que la balance crève la dalle, elle aussi. Je connais bien ça.

Ce sentiment de honte, de culpabilité de ne pas tout maîtriser.

Je ne suis pas sûre que les réseaux sociaux aident à se dépatouiller de ça. Les personnes influencables qui suivent les influenceurs leur raconter au quotidien comment tenir une diète, comment ne pas craquer….

Mais pourquoi s’infliger ça? Avoir un fil d’ariane, une discipline dans la vie est très important pour la construction de soi, pour l’amour propre.
Mais virer à la dictature, se fermer au monde extérieur, n’est ce pas oublier les plaisirs simples de la vie ? N’est ce pas oublier la chance que l’on a, nous, de pouvoir nous nourrir?
Je ne vais pas enfoncer des portes ouvertes en disant que c’est le problème de l’occident, d’autres l’ont très bien fait avant moi.

Je ne dis pas non plus que l’on a pas le droit de se plaindre, la souffrance ne se mesure pas. Quand on souffre, on souffre, point.
Qu’on ait vécu une séparation, une dispute, ou une bombe dans son village, la souffrance est quelque chose qui touche tout le monde un jour. (même machinette de 3e B qui avait ce si beau sourire, ces fringues parfaite et cette famille heureuse a elle aussi souffert et sa souffrance est aussi importante que celle de n’importe qui).
Personnellement, je me sens bien quand je suis tonique et quand je fais du sport régulièrement. Quand je mange sain, que je dors bien.

Mais je pense que faire trop attention provoque l’effet inverse. S’interdire le plaisir, tout tracker, être obsédé par la nourriture, la recherche de la minceur, la chasse à la moindre cellule graisseuse, ça rime à quoi? Le stress est oxydant, il provoque la libération de radicaux libres et peut favoriser… la prise de poids!
Alors on se détend, on s’aime, on se fait plaisir et on partage des bons moments avec son entourage, on arrête de se peser et de peser ses aliments trois cent fois par jour alors qu’on a aucune raison de le faire…

On pète un coup, quoi.
Si vous vous sentez bien dans votre corps lorsque vous rentrez dans du 34, grand bien vous fasse! Sauf si pour cela vous devez passer des heures à vous creuser le ventre, à vous abimer le corps en faisant du sport à l’excès et à refuser les soirées entre amis. Vous êtes bien dans du M, L, XL? Peu importe tant que vous être en bonne santé. Le corps, l’esprit a besoin de nourriture saine, de sommeil, de pensées positives, d’amour (et d’eau fraîche). C’est là qu’il trouve l’apaisement, pas dans la lutte acharnée contre soi.

Je ne veux pas ‘ prescrire’ de programme alimentaire sans m’occuper de la santé morale, émotionnelle, environnementale de mon patient.(* voilà pourquoi je parle de patient plus haut plutôt que de client. Patient n’est pas péjoratif, je préfère dire patient que client, vous n’êtes pas des porte monnaies sur pattes à mes yeux).

Voilà, j’ai dit ce que j’avais sur le coeur. J’avais besoin de partager cela avec vous. N’hésitez pas à partager avec moi vos pensées, vos avis sur le sujet…vos questions…

<3
ps: vous trouverez ici quelques définitions: https://www.lamedecinedusport.com/dossiers/partie-2-sont-les-tca/